Pline, le luxe et le parfum



Je vous livre une réflexion sur le parfum et le luxe qui date de presque 2000 ans. En effet, son auteur est Pline l'Ancien, dans le livre XIII de son Histoire Naturelle.

« Les parfums sont l'objet d'un luxe le plus inutile de tous. En effet, les perles et les pierres précieuses passent à l'héritier, les étoffes durent un certain temps; mais les parfums exhalent immédiatement l'odeur; et l'heure où on les porte les a dissipés. Ils sont parfaits, quand, une femme passant, l'odeur qu'elle répand attire même ceux qui sont occupés à autre chose. Ils se vendent plus de 40 deniers la livre. Voilà ce que coûte le plaisir d'autrui ; car celui qui porte une odeur ne la sent pas lui-même. »

J'ai été frappé par quelques éléments de modernité qui se dégagent de ce texte antique.

Lorsque l'on a, comme moi, une connaissance assez superficielle de l'histoire du parfum ; on s'imagine que dans les temps antiques, les parfums avaient surtout une dimension sacrée, qu'ils étaient utilisés à l'occasion de rituels religieux ou magiques (les rois mages, leur or, leur myrrhe et leur encens sont passés par là). Et que nous dit Pline : que les parfums sont parfaits pour une femme lorsqu'il s'agit d'attirer l'attention d'autrui. C'est ce que doit penser beaucoup de nos contemporaines lorsqu'elles cassent leur tirelire chez Séphora !

Dans sa réflexion sur les parfums et le luxe, Pline met en parallèle les perles et les pierres précieuses, les étoffes et les parfums. Attendez, n'y-a-t-il pas ici les piliers du luxe de tradition à la française ? En plus du domaine du parfum, les perles et les pierres évoquent la joaillerie (auquel on ajouterai aujourd'hui l'horlogerie de luxe) ; les étoffes évoquent l'univers de la haute couture et de ses accessoires. Nous voilà avec trois piliers, auquel il faudrait ajouter aujourd'hui un quatrième avec les vins fins et les spiritueux. Le Comité Colbert est au grand complet (ou presque). Il semblerai donc que la conception du luxe dans ses objets matériels n'ait pas énormément évolué depuis 2000 ans.

Quand à la signification même de la réflexion de Pline, on pourrait y voir une sorte de bon sens obtus, teinté de pingrerie, que ne renierai pas notre Guy Roux national (ou plutôt sa caricature). Mais il s'agit sans doute de l'expression de la morale stoïcienne de l'auteur, voyant dans l'artifice et les passions des formes de perversion.



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