Le printemps en novembre


L'automne est maintenant bien avancé, les jours diminuent, les frimas arrivent, la grisaille s'installe. Quels types de senteur vous invoque cette saison ? L'odeur des feuilles mortes humides, l'humus, les champignons, les mousses et les lichens...

Que diriez-vous d'un arbre fruitier faisant de la résistance à cette ambiance automnale, certes sympathique, mais porteuse d'une certaine mélancolie ? Un arbre qui, à l'heure où ses congénères se déplument et se préparent au repos hivernal, éclate dans une floraison qui répand un subtil parfum printanier en plein mois de novembre.

Cet arbre est le néflier du Japon ( Eriobotrya japonica ) ou bibacier. Certes, comme son nom l'indique, ce néflier n'est pas « bien de chez nous » mais originaire d'extrême-orient ; il est cependant cultivé dans nos contrées soit comme arbre d'ornement, soit comme arbre fruitier lorsque le climat le permet.

C'est un arbre de taille moyenne au feuillage persistant. Ses feuilles coriaces sont d'un vert foncé lustré coté face, et d'un gris vert duveteux avec des nervures rousses coté pile. Les feuilles sont disposées en étoile autour des branches. Bien sûr, il produit des fruits, les bibaces ou nèfles du Japon, qui arrivent à maturité au début de l'été. La chair du fruit est juteuse, sucrée, acidulée, très rafraîchissante. Malheureusement, la bibace, bien que délicieuse, n'est guère « commerciale », car elle présente le désavantage, pour notre époque, de mal supporter le transport.

Mais ce qui nous intéresse en cette saison, c'est la floraison. Les petites fleurs sont de couleur crème, groupées en grappes érigées sur des tiges d'aspect laineux. Lorsque quelques rayons de soleil automnal réchauffent un peu l'atmosphère, le néflier en fleurs va embaumer d'un doux parfum la parcelle de jardin où il est planté. C'est l'occasion pour les insectes butineurs de se livrer à leur dernier festin avant la disette et la léthargie hivernale.

Venons-en à ce parfum : je le qualifierai de floral gourmand. Pour le coté gourmand, c'est une facette à la fois amandée et miellée, tirant presque sur le vanillé. Le coté floral évoque un mimosa avec des accents verts. Le tout est doux, presque sucré, et pourrait évoquer une viennoiserie généreusement tartinée de miel d'acacia.

J'ai lu que dans les années 1950, un essai d'extraction d'une absolue de fleurs de néflier du Japon avait été tenté, mais le rendement s'est avéré décevant. Il est certainement possible de reconstituer le parfum du néflier en fleurs ( absolu de mimosa, héliotropine, aldéhyde anisique ,peut-être une pointe d'alcool cinnamique et de vanilline ?). Pourtant, à ma connaissance, la note « Fleur de Néflier » n'est pas exploitée dans la parfumerie commerciale, pourtant toujours à la recherche de nouveauté pour se distinguer.

Si le néflier du Japon n'a pas de chance avec la parfumerie, il en est autrement avec la cosmétique. En effet, on a trouvé des vertus anti-rides et liftantes à des substances extraites de ses feuilles. La mention « Eriobotrya japonica extract » fleuri donc sur les étiquettes de ces petits pots de crème hors de prix.

(Illustration : Néflier du Japon en fleurs, source http://commons.wikimedia.org)

Commentaires

  1. En compilant votre description avec mon souvenir en matière premières naturelles je dirais absolus de mimosa et genêt... Je ne sais pas si vous avez déjà senti l'absolu de genêt mais personnellement c'est ce qui m'évoque le plus la fleur d'acacia et donc son miel que vous évoquez.

    RépondreSupprimer
  2. Fort interessant cet article! Merci.
    Un autre arbuste qui me vient à l'esprit et dont les fleurettes exhalent en automne : l'eleagnus x ebbingei.
    Le parfum de ses petites fleurs (lorsqu'elles sont en nombre) évoque un peu la fleur de lys...

    RépondreSupprimer
  3. Cédric, je ne connais pas l'absolue de genêt, mais je connais le genêt en fleur au naturel. De mémoire, le parfum du genêt en fleurs me semble différent de celle du néflier (les floraisons ne sont pas à la même saison), mais je peux me tromper.

    Jeeks, je ne connais pas l'eleagus x ebbingei, mais ma curiosité est maintenant éveillée pour cet arbuste.

    RépondreSupprimer
  4. Bojour Le Gnou,
    Je me souviens du Neflier dans le jardin de mes parents. Un parfum doux et velouté, très tactile comme un velour épais. Un peu écoeurant aussi parfois, en fin de floraison.
    J'ai une amie parfumeur qui un jour à crée une très jolie "Eau de Nèfle"...j'espère qu'elle est arrivée à la vendre, cela sentait toute la douceur du printemps et la lumière fruité de l'Automne.

    RépondreSupprimer
  5. Bonjour Céline
    Le néflier qui m'a inspiré cet article est également dans le jardin de mes parents.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire