Les parfums du grenier : Silences de Jacomo


Silences est le troisième parfum, un floral vert, lancé par la marque d’origine new-yorkaise Jacomo en 1978, époque où le vert était en vogue.

Bien que Silences de Jacomo soit, à ma connaissance, introuvable dans le circuit traditionnel des  nociphorarionnaud , il n’est nullement discontinué. En fait, la marque Jacomo a été achetée en 1995 par un groupe français, Sarbec Cosmetics. Ce groupe, qui fait figure de nain face aux mastodontes du secteur, est principalement connu pour la marque « Corine de Farme », une ligne de parfums et de cosmétiques positionnés à petits prix pour la distribution en supermarchés. Sarbec continue aussi de produire et de commercialiser Silences de Jacomo (on le trouvera facilement dans les parfumeries en ligne, à défaut des parfumeries réelles). Cependant, le Silences que je présente ici est une version « vintage », en concentration « eau de Parfum », qui date du milieu des années 1980. Je n'ai pas eu l'occasion de sentir la version actuelle ; a-t-elle a été sérieusement ravalée par des reformulations ou est-elle restée fidèle à l’original ?

Silences est donc un floral vert, et pour cela, il s’ouvre sur une note galbanum. Comme souvent, la fameuse gomme iranienne ne fait pas dans la dentelle : un vert incisif, légèrement métallique et amer, d’autant plus qu’elle est accompagnée de notes florales vertes de type jacinthe ou narcisse qui nous plongent un instant dans des senteurs de potager sous stéroïdes, entre petits pois ultra-frais et radis fluorescents. Une petite dimension hespéridée rassurante (bergamote, néroli) tente maladroitement de discipliner tout cela. Une note de bourgeon de cassis, à la fois verte et fruitée, complète judicieusement le tableau.

Mais assez rapidement, la fragrance se pose et s'arrondit, le leitmotiv vert est toujours là, mais les fleurs entrent en scène : rose, muguet, jacinthe et iris. L’iris reste ici plutôt froid et sec, et ne semble pas s’acoquiner avec la rose pour former ce caractéristique accord poudré, féminin et cosmétique.

A propos de poudrée, la comparaison entre Silences et Chanel n°19 a souvent été faite, leurs descriptions pyramidales sont d’ailleurs très proches et ils sont tout deux estampillés seventie's. Mais, malgré quelques similitudes, le rendu final est tout de même très différent. Là où l’iris de Chanel se fait moelleux, poudré et un peu girly ; celui de Jacomo reste droit dans ses bottes, un peu sévère et distant. De ce fait, ce Silences vintage n’est pas excessivement féminin ; je l’ai moi-même porté avec beaucoup de plaisir, sans avoir la bizarre impression d’être un travesti olfactif. Silences est pourrait être une alternative pour les hommes amoureux du n°19, mais qui n’osent pas aller jusqu’à le porter (mais là encore, il faudrait connaître la version actuelle de la fragrance).

Ce Silences de Jacomo « vintage » s’achève sur un élégant fond chypré, mousse de chêne et vétiver, avec sans doute quelques muscs « à l’ancienne » (nitrés), qui lui apporte une touche d’animalité. La tenue est irréprochable dans cette concentration.

Silences fait parti de ces parfums tombés dans l'oubli, mais il ne me semble ni daté ni démodé ; il reste à mes yeux (ou plutôt à mon nez !) parfaitement actuel.
Sous réserve que la version actuelle ne soit pas trop défigurée, Silences de Jacomo est à essayer par celles (et ceux) qui aiment se parer du chic printanier et dynamisant des fragrances vertes, et apprécient la touche d'originalité des parfums peu portés.


Illustration : Les figures de silences en musique

Commentaires

  1. Excellent billet Le Gnou!
    Je reconnais là tout à fait l'impétuosité de Silence (enfin le souvenir que j'en ai date d'il y a fort longtemps...mais tout de même).
    Il y a des silences souriants, d'autres gracieux ou parfois même pesants. Celui de Jacomo est plutôt "sévère" comme tu le mentionnes plus haut. C'est d'ailleurs ce qui me le rendait difficile à aborder il y a....longtemps!!

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  2. Près de 30 ans après et il ne serait pas trop oxydé (?) Enfin peut-être que bien bouché dans un grenier obscur...

    En tous cas plus encore que Silences j'ai aimé découvrir les expressions "potager sous stéroïdes", "petits pois ultra-frais", "radis fluorescents", "travesti olfactif" et ..."nociphorarionnaud" ! Après recherches archéogooglogiques et nettoyage des vestiges à la brosse à dents, je vois que ce néologisme Gnoutesque a déjà été maintes fois repris et qu'il date au moins de 2008... mais décidément, quel inculte je suis ! :D

    En tous cas ça me rappel mon après midi d'hier, qui fut plutôt mariosephorafayettesque© et fera très certainement l'objet d'un article de ma part d'un moment à l'autre tant cette expérience ne m'a réconciliée ni avec la parfumerie moderne, ni avec les boutiques en question !

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  3. Un très bon souvenir de ma jeunesse que ce Silences. Ce qui reste dans mon souvenir était qu'il semblait incroyablement lisse et fluide. Je ne l'aurais pas qualifié personnellement de sévère, plutôt de calme et grave...

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  4. Oui, exactement : lisse et fluide: c'est le souvenir que j'en ai. J'ai longtemps porté ce parfum qui plaisait beaucoup aux jeunes femmes, à l'époque.Je suis contente d'apprendre qu'il n'a pas tout à fait disparu.

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  5. Calme, grave, sévère, lisse, fluide...

    C'est vrai que les verts féminins n'ont pas une image de parfum de séduction (allez savoir pourquoi ?), ils évoqueraient plutôt une certaine fraîcheur vivifiante,printanière et juvénile... Mais le coté chypré de ce Silences vintage ne cadre pas tout à fait avec ce tableau.
    Dans un sens, Silences conviendrai aux femmes voulant faire ressortir une image d'elles plutôt "cérébrale".

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  6. Salut et puisque nous sommes encore en janvier, bonne année à tous !La discussion sur le sexe des, non pas des anges, mais des parfums est intéressante même si elle frôle parfois l'arbitraire ou le factice. C'est vrai que la fraîcheur verte tient plus du juvénil que du sexe,á cet égard ce n'est pas pour rien que Vent Vert de Germaine Cellier fut révolutionnaire parce- que à mon avis très juvénil et insolent pour 1947.Par ailleurs un chypré n'est-il pas un parfum ambivalent de par sa composition?Ici la séduction ne vient pas de l'éternel féminin mais de l'ambivalence ou contraste de notes.Vent Vert a été dans sa nouvelle version refleuri ,c'est à dire assagi. je ne connais pas Silences, hélas donc : silence.

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  7. Quelle merveille! j'ai découvert ce parfum dans les années 80 et je l'ai adoré , et bien des années plus tard après avoir complétement disparu , je l'ai retrouvé dans une petite parfumerie de quartier et là j'ai fait mon stock de peur d'une disette. Je le porte toujours aujourd'hui , et plus l'hiver que l'été. Je suis d'accord avec "D" , je ne dirai pas de "silences" qu'il est sévère mais plutôt calme et racé . il est porté par des femmes qui ne veulent surtout pas ressembler aux autres .Je porte silences quand toutes se ruent sur les Prada et les Gucci . Dans ce monde ou règnent l'uniformité et l'éphémère , j'ai besoin de stabilité( ce qu'il m'évoque ) et de singularité et les années passant il reste l'un des seuls que je retrouve avec plaisir (avec "j'ai osé" que je ne trouve plus hélas en France! )

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  8. le nouveau silences porte bien son nom ,je l'ai porté à 20 ans dans les années 80,il me démarquait possédait quelque chose d'âpre ,comme l'intérieur d'une noix fraîche ,un coté androgyne.......reste pas grand'chose de tout ça et plus aucune tenue ,alors que justement c'était un vert acide et tenace qui finissait en douceur ,une beauté disparue ,une de plus...

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