Une matière : le calamus


L'acore calamus (acorus calamus) est une plante aquatique, une sorte de jonc, connue depuis des millénaires pour ses propriétés odorantes. Le calamus faisait partie des ingrédients des préparations parfumées de l'ancienne Mésopotamie ou de l'Égypte antique, tel que le fameux kyphi égyptien.

Une huile essentielle peut être extraite par distillation à la vapeur des rhizomes de l'acore calamus et aussi, plus rarement, de son feuillage.

Comme souvent avec les matières naturelles, il apparaît que la composition des huiles essentielles de rhizomes de calamus est extrêmement changeante selon leur origine et la variété de la plante utilisée. Certaines, d'origine asiatique, comportent majoritairement du bêta-asarone ( jusqu'à 90%), alors que d'autres n'en comportent presque pas. D'autres essences de calamus sont caractérisées par une proportion importante de méthyl-isoeugénol, ce qui doit leur conférer un profil odorant plutôt épicé.
L'huile essentielle de calamus dont je dispose, originaire des régions himalayennes de l'Inde, est riche en bêta-asarone (autour de 70%).

Le calamus fait partie de ces inclassables de la palette du parfumeur, dans quel tiroir le ranger ? Epicé, aromatique, herbacé, cuir, vert, sucré : il y a un peu de tout cela !
Ce qui me frappe dans l'odeur de cette essence, c'est un aspect très douceâtre, quasiment sucré, à la limite du crémeux. Ceci est plutôt perturbant, car par ailleurs, l'odeur du calamus n'évoque rien de comestible, d'alimentaire. C'est donc l'image d'un hypothétique gâteau empoisonné qui vient à l'esprit, sans doute du fait d'une méfiance naturelle envers les odeurs équivoques.
Mais il y a bien d'autres facettes : un coté épicé, vaguement girofle/cannelle ; une dimension verte herbacée, qui peut rappeler le vert caoutchouteux du salicylate d'amyle (en enlevant l'aspect « solaire »). Le parfum du calamus évoquera à certains un cuir humide ou moisi, ou encore des senteurs aquatiques (la vase dans laquelle la plante croît). Un profil olfactif plein d'ambiguïté ce calamus !

Si le calamus est une matière parfumée quasi-biblique, il semble assez peu utilisé dans la parfumerie actuelle. Certaines compositions le revendique cependant : Eau duelle (Dyptique 2010), Un jardin sur le Nil (Hermès 2005), Acteur (Azzaro 1989). Une composition lui est même entièrement dédiée : Calamus de Comme des Garçons (2000).
La raison de cette désaffection vient peut-être du profil olfactif ambiguë de la matière, mais aussi du fait qu'elle comporte l'une des molécules bêtes noires de l'IFRA : le bêta-asarone. Soupçonnée d'être neurotoxique, cancérigène voire hallucinogène cette molécule est limité à 0,01% sur le produit fini par les directives de l'IFRA (et à condition de provenir d'une source naturelle). Il est à noter que le bêta-asarone peut se retrouver en proportion non négligeable dans certaines essences de ... graines de carotte.


Illustration : creepy cake, source http://silverstreamer.blogspot.com/

Commentaires

  1. J'aime tous vos articles tellement
    instructifs ...

    En toute petite artisane je fais ma teinture moi même et j'en mets peu car, effectivement, on m'avait parlé de ce côté hallucinogène.

    Les essences de graines de carotte ne sont pas, non plus, d'utilisation très aisée.

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  2. On peut une fois de plus se poser des questions sur cette directive de l'IFRA, la plante étant également utilisée de longue date à des fins médicinales contre gastrites et entérites...

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  3. de toute manière l'acore calamus est à prendre avec des pincettes car l'odeur devient vite envahissante dans une composition c'est vraiment difficile a décrire cela rappelle l'odeur de certaines racines aromatiques un mélange de nard gingembre et iris personnellement je ne l'utilise qu'en note de fond

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