Il est frais mon vétiver, il est frais !


Dans la famille des bois, le vétiver possède ce statut de vedette de la parfumerie ; à l'instar du santal, du patchouli et du cèdre, il a l'habitude des premiers rôles.
Le vétiver ( Chrysopogon zizanioides ) est une plante tropicale de la famille des graminées. Ce sont les racines de la plante qui sont distillées pour obtenir l'essence de vétiver utilisée en parfumerie. Le vétiver est aussi beaucoup cultivé dans les régions tropicales comme moyen de lutte contre l'érosion des sols, du fait de sa capacité à stabiliser les terrains par ses profondes racines verticales.

Le profil olfactif de l'essence de vétiver est riche et complexe : elle m'évoquer des odeurs d'eau de cuisson d'asperges, de beurre d'arachide et de cendrier sale : curieux mélange ! Mais la facette de l'essence de vétiver qui inspire souvent les parfumeurs, c'est son coté zeste de pamplemousse, qui lui permet de bien s'accorder avec les thèmes hespéridés.

Curieusement, le vétiver était une matière qui me résistait ; à plusieurs reprises j'avais tenté de composer un « soliflore » vétiver, mais sans parvenir à un résultat réellement satisfaisant. C'est en essayant de composer sur un thème classique masculin d' « hespéridé-boisé » que j'ai concocté une formule qui rendait un effet vétiver ... sans contenir la moindre goutte d'essence de vétiver ! En retravaillant cette formule et en y introduisant de la véritable essence de vétiver, j'ai obtenu un petit « vétiver frais » sans prétention mais bien sympathique.

La formule

Aldéhyde C11 enic (undecanal ) @10% : 1
Petit grain citronnier HE : 1
Orange douce HE : 4
Stemone @20% : 3
Bourgeon de cassis absolue @20% : 3
Beta-naphthyl methyl ketone (oranger crystals) @20% : 4
Vétiver Java HE : 2
Cedryl methyl ether (Cedramber) : 4
Kephalis : 6
Iso E super : 8
Mousse de chêne absolue @10% : 8

La formule est compacte, elle est basée sur le traditionnel accord hespéridé-pamplemousse et vétiver-boisé.

Le thème hespéridé-pamplemousse

Aldéhyde C11 enic
Petit grain citronnier HE
Orange douce HE
Stemone
Bourgeon de cassis absolue
Beta-naphthyl methyl ketone

Une illusion de pamplemousse est obtenue par la combinaison de l'essence d'orange, de l'absolue de bourgeon de cassis et de la stemone. L'absolue de bourgeon de cassis possède une petite note soufrée que l'on retrouve dans l'odeur de la pelure des pamplemousses. La stemone est une matière de synthèse qui présente une odeur verte intense qui rappelle la feuille de figuier, mais elle s'accorde bien à la dimension « pamplemousse » apportant un semblant d'amertume.
Le petit grain citronnier apporte une touche... citronnée (on s'en doute) et le beta-naphthyl methyl ketone (odeur d'orange florale et poudrée) prolonge le thème hespéridé dans les notes de fond.
L'aldéhyde C11 enic renforce la petite facette aldéhydée des zestes d'agrumes.

Le thème vétiver-boisé

Vétiver Java HE
Cedryl methyl ether
Kephalis
Iso E super
Mousse de chêne absolue

Le vétiver de java (au profil particulièrement fumé-vieux cendrier) est accompagné de quelques bois synthétiques :
  • Le cedryl methyl ether : note sèche de cèdre et d'ambre gris
  • Le kephalis : note boisée chaude, acajou, tabac miellé.
  • L'Iso-E-super : bois « transparent », cèdre, légèrement iris/violette.
Un peu de mousse de chêne vient compléter le tableau.

La fragrance

Le vétiver, en tant que thème central, est classiquement abordé de deux façons en parfumerie. Soit c'est sa facette sombre, froide, fumée qui est mise en valeur, soit son coté lumineux et fruité. Ma composition est clairement de la deuxième sorte, c'est un vétiver frais, conventionnellement masculin. La fragrance ne présente pas une grande complexité, elle est assez linéaire sur son accord « pamplemousse- vétiver ». Mais après ce sympathique « vétiver frais », il me reste toujours le thème de « vétiver sombre » qui me résiste.


Illustration : Transport de racines de vétiver en Inde,
photo de Christopher McMahon et Manoj Avasthi , source : whitelotus.smugmug.com

Commentaires

  1. Bonjour,

    Avez-vous essayé l'He de vétiver malgache d'Astérale (www.asterale.com) ? c'est l'une des plus fines qu'il m'ait été donné de sentir. Je le trouve particulièrement rond et chaud. Je doute que vous lui trouviez des odeurs de cendrier...

    Un lien qui peut vous intéresser aussi pour un soliflore vetiver : princesseaupetitpois.over-blog.com/article-23525225.html

    Yulaan

    RépondreSupprimer
  2. Mince mais c'est que ça m'inspire cette histoire, encore une bonne idée !

    (J'ai trouvé le truc désormais pour flooder sur blogspot, découper le monstrueux commentaire en plusieurs petits... c'est parti !)


    Si tu me permets l'ami gnou, pour commencer j'aimerais ajouter deux choses qui me semblent manquer (plus ou moins) à ton bel exposé.

    (J'imagine que tu sais tout ça mais mais c'est juste un complément pour ton lectorat)

    Tout d'abord, ça semble évident mais je trouve important de rappeler combien c'est une note de fond par excellence. Très longue durée et nettement perceptible même à TRES faible dose...
    (Expérience vécue, 2 gouttes dans un flacon vapo de 60 mL avec de l'eau, agitez, pulvérisez, une fois vide remettez de l'eau agitez, pulvérisez ... refaites ça 10 fois, l'eau sent toujours le vetiver ! A moins que je ne sois hyperosmique au vétiver ?)
    Et d'ailleurs ne serait-ce pas une des rares notes de fond plutôt fraîches ?

    Deuxième détail important je crois, le vétiver de Java n'est pas le plus prisé et il est très différent de ceux d'Haïti ou du vétiver "bourbon" (provenant de La Réunion et de Madagascar également, même si le terme bourbon est un peu usurpé car il n'y avait qu'une Île Bourbon mais les terroirs/profils olfactifs sont proches).
    Il est nettement plus fumé avec une facette café que je trouve assez frappante.
    (D'où ta description... cendrier sale et jus de cuisson d'asperges, j'adore, c'est en effet assez bien vu pour le vétiver de Java)

    Les autres sont plus frais avec une facette hespéridée bien plus marquée et un côté terreux plus doux, presque un effet peau que je trouve assez envoutant. L'effet vieux cendrier ne me semble pas vraiment présent dans ces autres vétivers.

    RépondreSupprimer
  3. (Et bing ! "Nous n'avons pas été en mesure de traiter votre demande." mais on ne me la fait plus, je garde une copie dans un éditeur de texte pour ne par tout perdre ! :D Bon je coupe ça en deux du coup...)

    Zut yulaan m'a doublé, en effet Astérale, ex "Bio-Mada", propose de bonnes huiles essentielles bio de Madagascar (en plus, Simon le fondateur et gérant de cette société est un passionné sympathique ...qui mérite ce coup de pub) et nous sommes d'accord, pas de cendrier en vue pour le Vétiver de Madagascar !

    Mais revenons à des considérations plus en rapport avec les idées/difficultés que tu évoques quand aux deux approches classiques du vétiver.

    Ca fait longtemps que moi aussi je songe à donner une plus large place au vétiver dans des essais de compositions sans avoir encore réellement pris le temps de le faire, ni de chercher à identifier les approches classiques que tu viens d'évoquer.
    Le vétiver frais était une évidence, mais ton histoire de vetiver sombre m'intéresse bien.
    Ton "sombre, froide fumée"... je serais curieux d'en savoir plus sur ta vision de la chose !

    Pour ma part j'avais surtout l'idée de lui donner une place dans une formule plus capiteuse et plus féminine... (Oui je sais le vétiver d'habitude c'est surtout masculin, cologne et après rasage...)
    Accord à travailler ou utopie ? (Moi c'est certain, je vais m'y coller un de ces jours !)

    RépondreSupprimer
  4. (J'espère que tu ne m'en voudras pas pour la longueur des commentaires mais bon, inspiré je suis, comme annoncé d'emblée...)

    -suite et fin-

    Je dois dire que pour ma part, le ou plutôt LES vétiver je les vois assez caméléons. J'ai beau avoir une image mentale assez claire de l'un comme de l'autre et pouvoir en sentir assez bien les nuances sans les avoir sous le nez, j'hésite.
    Entre frais et chaud, gras et sec, lourd et léger...

    Petit délire descriptif dans mes curieux référentiels perso :

    J'aurais plutôt tendance à classer celui de Java du côté chaud et gras, enfin, un gras sec... torréfié-fumé, une lourde fumée terreuse, un goudron de luxe tout en finesse.

    Les autres ? (Haïti, Madagascar et Réunion...)
    Disons plus frais et secs, une odeur de poussière fruitée, verte mais presque chaude avec en même temps ce côté résines sacrées boisées poussiéreuses, une facette myrrhe et encens.

    Enfin du coup si vraiment tu cales sur les vétivers moins classiques, moins "Cologne fraîche de sportif", pourquoi ne pas oser essayer des accords type Tubéreuse-Vétiver ? (plus osé du fait du contraste apriori -homme/femme- comme pour Lavande et Rose...)
    ou Vétiver-Encens ? (peut-être un peu comme dans "Cœur de Vétiver Sacré" dont je n'ai pas le souvenir)

    Enfin ce ne sont que des idées en passant, au cas où... ;-)

    RépondreSupprimer
  5. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer
  6. Je dirais même plus : Vetiver - Encens - Lavande

    Et je suis entièrement d'accord pour le côté balsamique et enveloppant (voire carrément maternel) du vétiver malgache

    Un conseil également : laisse tranquille ton flacon d'He de vetiver. C'est comme un bon vin, il se complexifiera et se bonifiera avec le temps.

    RépondreSupprimer
  7. En effet ça vieillit bien... et le patchouli... tôt ou tard je crois que j'en mettrai une bonne bouteille de côté. Un patchouli 12 ans d'âge, le rêve ou presque !

    RépondreSupprimer
  8. Bonjour Yulaan & Nezherbes

    Je dispose de deux essences de vétiver, un Madagascar et un Java.
    Je suis d'accord avec vous deux, le Java a une haleine de gros fumeur alors que le Madagascar est plus soft, rond et fruité.
    Pour autant, le coté "vieux cendrier sale" du Java n'est pas inintéressant.

    C'est vrai que le vétiver est généralement connoté masculin, mais il se conjugue aussi au féminin : Habanita de Molinard où il est associé à un accord oriental classique (patchouli, vanille, labdanum), Le Baiser du Dragon de Cartier, ou même dans l'incontournable N°5 de Chanel.

    Et pas de problème pour les commentaires à rallonge, Nezherbes !

    RépondreSupprimer
  9. Ouf, je ne finirai pas encorné ! :D

    RépondreSupprimer
  10. Bonjour Le Gnou, je n'ai pas le temps de passer souvent mais je lis ...

    J'aborde les huiles essentielles avec un autre état d'esprit que vous et il y automatiquement un classement - oserais-je dire ? - spirituel qui s'impose à moi.

    Ce n'est pas celui d'un parfumeur et surtout d'un parfumeur chimiste ceci n'enlevant rien à vos qualités !

    Alors, pour moi, vétiver, que j'utilise aussi en parfum féminin, c'est la terre, c'est le "fond" et, effectivement, je le vois avec le labdanum, la vanille, etc. Seul son côté "sombre" mais fort m'intéresse.

    bientôt !

    RépondreSupprimer
  11. Rhô mais ça glande ici !!! :p)

    J'espère que les vacances sont bonnes...

    Mais reviens nous faire de jolis article comme "gnou" les aimons !

    RépondreSupprimer
  12. Salut à tous /tes , heureux de faire ma rentrée en partageant cette note de vétiver.J'ai essayé ta formule, c'est vrai qu'elle est bien linéaire, agréable, à mon avis plus dans le fruité que dans la fraîcheur.Personnellement ce qui m'intéresse dans le "soliflore " vétiver c'est la conjugaison des notes de fond et de tête déjà présentes, sans donc les séparer, la sensation à la fois de de rafraîchissement et de solide imprégnation , évidemment il y a du boulot..Au fait , comment as-tu trouvé l'accord pamplemousse?le côté aldéhydé du zeste, j'y avais pas pensé.
    Encore bravo et merci pour ton travail.

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire