Lavande et rose



Allez parler de bois de oud, de mousse de chêne ou de graines d'ambrette à un béotien du parfum : cela ne lui évoquera sans doute rien du tout. En revanche, la lavande et la rose, cela parle à tout le monde. Des stars populaires de la parfumerie ces deux-là.
Des stars de la parfumerie fine certes, mais aussi de la parfumerie fonctionnelle : désodorisants en aérosol, savonnettes de supérette, papier toilette, adoucissants pour le linge, la rose et la lavande sont omniprésentes ; au risque parfois de perdre leurs lettres de noblesse.

En matière de parfumerie fine, les codes occidentaux leur ont réservé des genres différents : la rose est féminine alors que la lavande est masculine, bien que l'on trouvera facilement des contre-exemples.

Malgré ces genres différents, j'avais envie d'associer ces deux senteurs dans une fragrance simple et sans fioriture : de la lavande et de la rose, point. L'inspiration vient d'une certaine tradition de la cosmétique anglaise. La vénérable maison londonienne Yardley , fondée en 1770 et détentrice du Royal Warrant, commercialise toujours une eau de toilette et une ligne de produits de toilette estampillés « Rose & Lavender ».

Passons à la formule :

Lavande vraie HE : 6

Lavandin super HE : 3

Acétate de géranyle : 3

Alcool phényléthylique : 3

Géranium bourbon HE : 3

Dorinia SAE : 10

Lyral : 4

Methylionone : 2

Iso E super : 8

Galaxolide @50% : 10


  • La lavande :
Les huiles essentielles de lavande et de lavandin sont utilisées, jusque là c'est lisible !
L'acétate de géranyle sert d' « agent de liaison » entre la lavande et la rose ; en effet cette molécule possède aussi bien un caractère rosée que lavandulée.

  • La rose :
Je ne me suis pas trop compliqué la tâche en utilisant une dose massive de Dorinia SAE, une base rose de Firmenich. Je trouve que cette base possède une nuance de feuille verte assez marquée, elle rend une ambiance « roseraie » , la plante entière avec ses feuilles plutôt que la fleur seule.
Je l'ai complété avec de l'alcool phényléthylique (rose miellée) et du géranium bourbon.
Le méthylionone (qui a un caractère violette / iris) est là pour apporter une légère dimension poudrée, classique avec la rose.
Le Lyral est également une matière au caractère floral, qui joue dans le domaine des fleurs « vertes », tilleul ou muguet. Il n'est donc pas dans la famille de la rose, mais je suppose qu'il apporte un peu de légèreté et de complexité dans la dimension florale de la fragrance.

  • Et en complément :
L'iso E super, matière assez passe-partout, dans le rôle du « bois transparent », pour structurer l'édifice.
Le galaxolide, un musc propre, avec sa nuance fruitée de mûre, compatible avec une rose proprette.

  • La fragrance
Elle est simple et directe, la lavande apporte son aspect agreste et frais en tête, la rose reste fraiche et parées de verdure, l'ensemble est propre, voire savonneux (difficile d'éviter l'écueil « fonctionnel » ). Une eau de toilette prise au pied de la lettre, tant le parfum évoque une ambiance de salle de bain, huile de bain à la rose et serviette à la lavande, le confort des choses simples en somme !
Une question demeure : féminin ou masculin ? Pour ma part, je dirai féminin, bien que la lavande associée à des notes rosées un peu vertes (géranium) soit un accord classique de la fougère virile de salon de barbier. Ou alors unisexe ?

Illustration : Pochette de l'album « Power, corruption & lies » de New Order (Virgin 1983), reproduisant elle-même une toile d' Henri Fantin-Latour.

Commentaires

  1. Cela me donne envie de m'en asperger généreusement... j'ai toujours aimé les accords "salle de bain" et "savon à barbe". L'enfance, sans doute ...

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  2. Bonjour zab63

    En fait, ma composition ne fait pas savon à barbe, trop de roses pour ça ! Peut-être que cela ressemble au fameux savon "Rose & lavender" de Yardley, mais je ne connais pas ce produit ; j'avais juste senti l'eau de toilette correspondante.

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  3. Féminin / Masculin ... c'est tout un sujet au sein de la parfumerie, en fait un concept assez récent et marketing. Je pense qu'une majorité de gens (dont je fais parfois partie) ont tendance à trouver un certain confort dans cette séparation des genres.

    Et en même temps peu à peu j'ai accepté plus d'ambiguïté pour certaines compositions qui à mon avis gagnent ainsi en originalité en ne tombant pas dans les schémas désormais classiques des parfums masculin/féminin. Cette idée non plus je ne crois pas être le seul à l'avoir et finalement pour les parfums qui s'y prêtent c'est l'interaction avec la personne qui le porte qui "sexualise" le parfum.

    Et pour faire une comparaison facile qui me paraît toutefois parlante, hommes et femmes ont beau être différents tout le monde (ou presque) aime la mousse au chocolat, la réserver aux hommes ou aux femmes serait terriblement injuste...

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  4. Oh un petit complément car en lisant ce soir un entretien avec Bertrand Duchaufour sur un autre blog, je vois qu'il dit des choses parallèles à ce que j'ai écrit un peu plus haut :

    "Je ne pense plus féminin ou masculin, plus du tout, mais plus du tout ! En aucun cas, je ne travaille à travers ce genre de notion. Ça aussi, c’est une étape. Mais c’est aussi assez récent, tu sais.
    De penser féminin/masculin, chypre/oriental, en fin de compte, il n’y a rien de plus séquestrant."

    Sans avoir le centième de son expérience je me permettrais tout de même d'émettre une idée personnelle qui nuance son propos.

    Et si cette volonté de "sexer" un parfum était voulue et prise comme un jeu ? Par exemple pourquoi ne pas prendre les matière à rebrousse-poil et faire une rose pour homme ou une lavande hyper féminine.
    De mon point de vue, si la chose est voulue, intégrée à la volonté du créateur, ça peut très bien devenir une source de créativité, la frustration, la difficulté, ça oblige aussi à trouver des solutions originales aux problèmes.

    D'autres avis sur le sujet ?

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  5. Oh mais je fatigue ce soir et puis c'est terrible ces blogs ou on ne peut pas éditer ses commentaires.

    Du coup après m'être relu (oui j'aurais dû le faire avant :p) je constate que j'ai vraiment abusé des "volontés" "voulues" ...mais c'est qu'il parlait de formes imposée par les maisons de parfum contre sa propre... volonté ! Ca oui c'est sclérosant et du coup j'ai insisté sur l'aspect qui me semblait l'élément déterminant séparant la liberté créative de l'obligation productive.

    Le choix "volontaire" (C'est le dernier mot en "volon" que j'écris sur cette page... promis !) du côté masculin/féminin ou mixte du parfum composé.

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  6. Je peux témoigner, de mon point de vue c'est parfaitement fidèle à la description qui en est faite...

    La chose étant assez équilibré la lavande et la base rose se battent la vedette et du coup ça fait tantôt plus féminin tantôt plus masculin.
    Comme Le Gnou j'aurais tendance à dire plus féminin que masculin mais à mon avis avec à peine moins de rose et/ou un soupçon de vétiver ça tournait franchement au savon à barbe ou à l'après rasage viril...

    L'effet global colle effectivement assez bien à ce que mon imaginaire (ou mes souvenirs ?) peut générer comme forme olfactive pour un savon anglais pour lords & ladies...

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  7. Vous êtes trop "avancés" pour moi mais j'élève une vigoureuse protestation : je fais mes savons (et tous ceux que j'offre) et mes savons à la lavande sont loin de ressembler à ceux d'une supérette !
    Je fais des macérâts huileux avec la lavande, je fais des infusions de lavande comme eau de dissolution de la soude et les messieurs mendient ces savons là !
    La logique voudrait que selon que la lavande ou la rose l'emporte, cela fasse plus masculin ou féminin.

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  8. Bonjour Irène,
    Je suppose que vos savons réalisés avec vos propres extraits de lavande sont bien plus subtils que les savonnettes de supérettes à la lavande synthétique !

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  9. Oh oui !
    Il est difficile de parfumer naturellement un savon ; mais avec des macérâts, des cires florales et, évidemment, des huiles essentielles on y parvient.
    Cependant, je crois vraiment que je ne supporterai plus - ni mes proches - un savon du commerce. Même ceux de marque ...

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